Archives de catégorie : Tercets

Le doux printemps a rajeuni Cybèle; — 1819 (5)

François de La Pommeraye
Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

Le doux printemps a rajeuni Cybèle;
Déjà sa robe est couverte de fleurs;
Déjà Progné se plaint, et Philomèle
Vient raconter la cause de ses pleurs;

Le ciel sourit, la nature est plus belle;
L’amour, de joie enivre tous les coeurs;
Et, répandant une flâme nouvelle,
Vénus convie à ses tendres fureurs.

Moi, cependant, moi seul dans la nature,
Toujours en proie au tourment que j’endure,
Toujours songeant à celle que je perds,

Je ne vois plus les fleurs ni la verdure;
Je n’entends plus le ruisseau qui murmure;
Les plus beaux lieux sont pour moi des déserts.

Q8 – T6 – déca

Le luxe, l’avarice et l’oisive mollesse, — 1819 (4)

François de La Pommeraye Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

A un jeune poète

Le luxe, l’avarice et l’oisive mollesse,
Des vertus sur la terre ont brisé les autels;
L’homme tremble à la voix de l’austère sagesse,
Et n’ose plus prétendre au rang des immortels.

Il a si bien éteint la céleste lumière,
Qui seule, en l’éclairant, peut l’égaler aux dieux,
Qu’il insulte à celui qui de l’humble poussière,
Entreprend de porter son front jusques aux cieux.

Vil esclave de l’or, à la philosophie,
Le peuple va disant: quelle aveugle folie
Te fais tant rechercher un infécond laurier?

Ami, n’en suis pas moins le Sentier de la Gloire;
Celui qui veut atteindre au temple de Mémoire
Dédaigne le vulgaire et le laisse crier.

Q59 – T15

Je vous ai vue, et votre douce image — 1819 (3)

François de La Pommeraye Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

A Madame Adèle T.

Je vous ai vue, et votre douce image
S’est emparée aussitôt de mon coeur;
Je vous ai vue, et votre doux langage
M’a fait rêver aussitôt de bonheur!

Rêve charmant, ne sois pas une erreur!
Fils de Vénus, achève ton ouvrage!
Fais partager une si vive ardeur,
Et je te jure un éternel hommage!

Naguère ainsi je présentois mes voeux
Au jeune Dieu qu’on adore à Cythère;
L’enfant malin sourit de ma prière,

Et dit: veux-tu communiquer tes feux;
Sache qu’aimer n’est rien sans l’art de plaire.
Voilà, voilà le secret d’être heureux!

Q11 – T28 – déca

L’Amour, le tendre Amour eut mon premier hommage; — 1819 (2)

François de La Pommeraye Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

La Pommeraye écrit dans la préface de son ‘Recueil des oeuvres », qui contient 16 sonnets, dont douze sont des traductions, (onze de Pétrarque et une du Tasse): « Je crois surtout que les sonnets imités de Pétrarque, sont infiniment au-dessus de mes autres productions. » 4 est une version du n°vii du Canzoniere ( » La gola e ‘l somno et l’otïose piume « ), avec un titre ajouté; 5 du n°cccx ( » Zephiro torna, e ‘l bel tempo rimena »).

Sonnet-préface

L’Amour, le tendre Amour eut mon premier hommage;
Je ne cédai que trop à ses charmes trompeurs ;
Long-temps, par ses conseils, je fus loin du rivage,
Entraîné sur les flots, en butte à ses fureurs.

Enfin, avec effort, j’échappai du naufrage,
Et, cherchant un asile au temple des neuf soeurs,
Là, je me crus au port, à l’abri de l’orage,
Où pensois-je goûter le calme et les douceurs!

Malheur à tout mortel qui dans sa folle audace,
Aspirant à cueillir les lauriers du Parnasse,
Court après les dangers de la célébrité!

Malheur à qui ne sait que notre renommée
N’est qu’un léger nuage, une vaine fumée,
Qui passe et disparoît devant l’éternité!

Q8 – T15

Que j’aime du Très-Haut les chefs-d’oeuvres divers! — 1819 (1)

Demonvel (J.Mi. Jus-Ari.. D’Gallia) Dieu. …

Sonnet à la gloire de Dieu

Que j’aime du Très-Haut les chefs-d’oeuvres divers!
Tout porte de son nom la grandeur, la puissance;
Il se montre partout, et dans tout l’univers
On aperçoit l’éclat de sa magnificence.

L’espoir de l’orphelin, la terreur du pervers,
Il s’établit l’appui de la sage innocence.
L’homme qui le chérit brave tous les revers:
Il est presque animé de son intelligence

O grand Dieu! soutiens-moi dans ma faible vertu;
Que mon coeur ne soit pas sans cesse combattu.
Oui, secours ton enfant, puisqu’enfin il t’honore!

Ne pourrais-tu garder aucun de tes secrets? …
Ma raison l’aperçoit; il faut que je t’adore
En louant tous les jours les dons de tes bienfaits.

Q8 – T14

« Fait à T***, en 1816« . L’auteur est, en fait, le même que celui des sonnets 1817, 2-4

Le désir insensé d’éterniser son nom — 1818 (4)

M. Le Chevalier Coupé de Saint-Donat in L’almanach des Muses

Sonnet

Le désir insensé d’éterniser son nom
Impose un joug de fer aux mortels qu’il enivre.
Tel consume son temps à pâlir sur un livre,
Tel autre à tous propos affronte le canon.

On se croit un Voltaire, on se croit un Crillon;
C’est la gloire, dit-on, la gloire qu’il faut suivre!
Eh bien donc suivez-la! moi, gaîment je veux vivre.

Pourrais-je après ma mort jouir de mon renom?
Il est plus d’une épine au rosier de la vie.
Mourir pour vivre un jour me semble une folie.

Remplissons nos devoirs, honorons les vertus:
Le bruit tant recherché qui fait la renommée,
Pendant que nous vivons, n’est qu’un peu de fumée,
Et c’est bien moins encor quand nous ne vivons plus.

Q15 – T15 – QTTQ – disp 4+3+3+4

(a.ch) C’est un sonnet-sandwich dont je ne connaissais pas l’existence, bien avant l’auguste Brizeux puis Baudelaire. Son schéma de rimes abba abb acc deed, effectivement « ordinaire », est discrépant par rapport à la répartition en quatrains et tercets QTTQ. Là aussi, ça me paraît une trace de la versification en vers à rimes mêlées des discours narratifs du XVIIIe. Les poètes ultérieurs en tiendront compte en revanche.

A l’immuable paix, il est deux grands obstacles; — 1818 (3)

A. Poujol Galerie de cent tableaux, …

Deux grands obstacles à la paix perpétuelle

A l’immuable paix, il est deux grands obstacles;
L’ambition cruelle et l’orgueil des humains:
Pour franchir ces écueils, il faudrait des miracles,
Tant ils ont ébloui les vaillans souverains.

Jadis on vit aux cieux, parmi les Chérubins,
La superbe monter aux suprêmes pinacles,
Et vouloir s’arroger les attributs divins,
Tant l’esprit de grandeur se complaît aux spectacles.

Pour le fort conquérant, tous objets sont petits,
Dieu ne remplit jamais ses vastes appétits,
Sa folle avidité se porte aux bouts du monde.

Tant la risible ardeur de dominer sur tout
De l’agrandissement inspire le haut goût;
Et là gît des combats une source féconde.

Q11 – T15

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce? — 1818 (2)

A. Poujol Galerie de cent tableaux, …

Sur mes sonnets

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce?
Sa mesure me plaît; et son cadre charmant
Me tombe sous la main, maintefois, en courant,
Quand de versifier le doux besoin me presse.

Alors qu’il se présente avec l’humble sagesse,
Je le remplis soudain, parfois dans un instant:
Je suis peut-être dur, rustique ou peu brillant;
Je manifeste peu d’ingénieuse adresse.

Le sonnet est l’écueil de tous rimeurs français,
On sait que rarement l’on en voit de parfaits,
Et qu’un seul vaut alors autant qu’un long poème.

Mais, est-ce une raison pour le mettre à l’écart?
A mieux faire avec soin l’on parvient tôt ou tard;
Eh! d’en former sur tout je me suis mis à même.

Q15 – T15 s sur s

Que j’aime à contempler du bon vieux Frontignan — 1818 (1)

A. Poujol Galerie de cent tableaux, …

où sont représentés en sonnets réguliers (qui seront suivis de cent discours en prose, et de notes intéressantes pour l’instruction de la jeunesse): Les horreurs de la Guerre; les avantages de la Paix; la grandeur de la France; l’importance et les grands principes des Connaissances. Ouvrage qui ne respire que l’amour de l’humanité, de la patrie et du bien public, formant un essai de poème en quatre chants, divisions et parties; Dédié à S.A.R. Monseigneur le Duc d’Angoulème, qui l’a accueilli avec bonté, à son passage en sa bonne petite ville de Cette. Par A. Poujol, professeur du collège d’Alais, auteur d’une traduction de l’Imitation de Jesus-Christ en prose mesurée, sous presse, etc. Montpellier, de l’imprimerie de J.G. Tournol, place Louis XVI, n°57. Ce grand ouvrage ne contient pas moins (mais pas plus) de deux cent vingt et un sonnets (221). L’abondance des matériaux assemblés pour le nôtre nous oblige à ne lui accorder que trois extraits.

Excellence du Muscat de Frontignan

Que j’aime à contempler du bon vieux Frontignan
Le riche amphithéâtre, au cep si favorable,
Là, ne peut que germer un nectar délectable,
Tel que le jus qui croît non loin de Perpignan.

Plus généreux encore, il brille au premier rang,
Le globe n’en a point qui lui soit comparable ;
De le falsifier, il est abominable;
Mais l’abus est connu du monde commerçant.

Oublions les verds jus de dix huit cent et seize,
Et célébrons celui de dix huit cent et treize,
Et de tant d’autres ans, tant il est précieux.

Il peut vieillir un siècle, et plus encore peut-être;
Son pareil, en un mot, est encore à paraître:
A Frontignan gît donc le vrai nectar des Dieux.

Q49 (ou Q15, si M.Poujol ne respecte pas les règles classiques de la rime, et rime ‘à l’oreille’)) – T15

Une des fonctions constante du sonnet: le chant à la gloire des produits locaux: monuments, héros variés,…

Alors qu’un franc courtier tient en main bonne affaire — 1817 (5)

–  A. Poujol Sonnet Impromptu – A des commerçans qui ont abusé de la confiance d’un commissionnaire


Alors qu’un franc courtier tient en main bonne affaire
S’il connoît des marchans qui veulent la traiter
Seroit-il pas un sot s’il alloit s’arrêter
A celui qui toujours lui rogne son salaire ?
Plus encore aux marchands d’un âpre caractère,
Qui ne connoissant point l’art de se respecter,
Et celui, moins encor, le grand art de traiter,
Contents de s’épargner un modique honoraire.
Quand un courtier loyal leur a lâché le nom
Et le prix du vendeur, sur bon échantillon,
Ils refusent soudain ce qu’ils brûlent de prendre.
Que font ces maladrois ? ils traitent sans courtier,
Risibles ignorans du jeu de ce métier
Qu’il pretent dix pour un, trop sots pour bien comprendre.

Q15  – T15 – sns