Archives de catégorie : T06 – ccd ccd

Au diable le sonnet, bien que dans la Sicile, — 1874 (4)

A. de Gagnaud (ed.) – Almanach du sonnet pour 1874

Sonnet contre Sonnet

Au diable le sonnet, bien que dans la Sicile,
Il ait longtemps fleuri dans les vallons d’Enna!
N’est pas toujours très beau ce qu’on croit difficile,
Et Boileau, sur ce point, sottement raisonna.

Quant à moi, je préfère un seul vers de Virgile,
A ce vain jeu d’esprit qui nous vint de l’Etna.
Il peut plaire à la cour et sourire à la ville,
Le bon sens indigné pourtant le condamna.

Le plus beau ne vaut pas le moins brillant poème,
Car loin d’être enrichi d’une beauté suprème,
Auprès d’un diamant, c’est un caillou du Rhin.

Le verre imite mal le cristal de Bohème.
Ce sonnet, c’est le verre, et la vierge que j’aime
Rejetterai le strass de son splendide écrin.

Th. Richard-Baudin

Q8 – T6 – s sur s

A mes soixante-un ans je dois plus qu’un sonnet, — 1872 (27)

R. AgnèsLes cent sonnets

xcviii
Sonnet presque deux fois Sonnet, pour le soixante-unième anniversaire de ma naissance, 20 novembre 1872. dédié à moi-même.

A mes soixante-un ans je dois plus qu’un sonnet,
Pour me fêter à moi, le jour de ma naissance.
Tout en me promenant, voyez, je le commence;
Si je le peux finir, je serai satisfait.

Mais le premier quatrain je trouve déjà fait.
Si le second pouvait venir sans que j’y pense,
De mes faibles efforts j’aurais la récompense:
Heureux je passerais à mon premier tercet.

Lui-même se fait seul avec beaucoup d’aisance.
Le voyez-vous marcher? A grands pas il avance.
Mais voilà devant nous un joli cabaret.

Nous ne pouvons passer, Messieurs, en conscience,
Sans entrer un instant; belle est la circonstance,
Pour boire à ma santé! Mon sonnet est parfait*.

* Arrosé d’un bon vin où je n’ai point mis d’eau, / Ce dernier va trouver grâce devant Boileau /.

Q15 – T6 – y=x (c=b & d=a) – s sur s

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse, — 1864 (5)

Hippolyte Lucas Heures d’amour

Vous qui, remplis d’une adorable ivresse,
Avec mystère, alors que fuit le jour,
Tombez aux pieds d’une belle maîtresse,
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

Si le dépit succède à la tendresse,
Si le regret vous domine à son tour
Cherchez ici votre propre tristesse:
Priez, priez dans mes Heures d’amour.

N’y touchez pas, matrones sans faiblesse!
N’y touchez pas, ô tartufes que blesse
Un sein charmant qui montre son contour!

Le doux plaisir eut ses autels en Grèce;
Il sera dieu toujours pour la jeunesse:
Chantez son culte, ô mes Heures d’amour.

Q8 – T6  déca – y=x (c=a & d=b) Sonnet sur deux rimes seulement. ‘Heures d’amour ‘ aux vers 4,8,14

Quatrième éd., d’après l’auteur; après Le coeur et le monde 1834; et une 2ème ed. en 1844. « cette édition fut mise à l’Index, parce que le mot Heures y était pris dans le sens du Livre de messe. « 

J’aurais été Petrarca — 1845 (8)

Alphonse Duchesne Les chants d’un oiseau de passage

A ma mie – sonnet

J’aurais été Petrarca
Si vous aviez été Laure,
Et les pèlerins d’Arqua
Parleraient de vous encore ;

Si vous étiez Francesca
Je serais, moi qu’on ignore,
Paolo qui l’adora,
Et l’on me crierait : Raca !

Ou bien si vous étiez celle
Qu’on nomme Isaure la belle,
Je serais grand troubadour,

Car au gai savoir fidèle,
Je ferais, ma jouvencelle,
Des chants avec de l’amour.

abab  abaa T6  7s. ‘crier ‘raca’ : Marquer un profond mépris à l’égard de quelqu’un (TLF)

Ce doux bouquet mouillé qui s’effeuille à nos yeux, — 1843 (18)

Marie-Mennessier Nodier in Alfred de Musset oeuvres poétiques

Au même

Ce doux bouquet mouillé qui s’effeuille à nos yeux,
Et que jamais la main n’a pu reprendre ou suivre,
Ne le regrettons pas ! j’ai lu dans un vieux livre
Que son nœud détaché voulait parler d’adieux.

Du foyer paternel, vous, l’esprit radieux,
Dans l’ardente mêlée où le triomphe enivre,
Vous vous souvenez donc qu’en essayant de vivre
Ensemble nous étions partis d’un vol joyeux ?

Nous avons traversé la merveilleuse plaine
Où la fleur du jeune âge, amicale, et sereine
Dit : « la vie est charmante et l’avenir bêni »

Puis je vous vis monter quand je perdis haleine.
A la cime des monts votre âme souveraine
Allait cherche son aire, et je gardais mon nid.

Q15  T6  v.12 et 14 : rime incorrecte

Quand, par un jour de pluie, un oiseau de passage — 1843 (17)

– Alfred de Musset

A la même

Quand, par un jour de pluie, un oiseau de passage
Jette au hasard un cri dans un chemin perdu,
Au fond des bois fleuris, dans son nid de feuillage,
Le rossignol pensif a parfois répondu.

Ainsi fut mon appel de votre âme entendu,
Et vous me répondez dans notre cher langage.
Ce charme triste et doux, tant aimé d’un autre âge,
Ce pur toucher du cœur, vous me l’avez rendu.

Etait-ce donc bien vous ? si bonne et si jolie,
Vous parlez de regrets et de mélancolie.

–       Et moi peut-être aussi j’avais un cœur blessé.

Aimer n’importe quoi, c’est un peu de folie,
Qui nous rapportera le bouquet d’Ophélie
De la rive inconnue où les flots l’ont laissé ?

Q10  T6  suite au n°16

La fleur de la jeunesse est-elle refleurie — 1843 (16)

Marie-Mennessier Nodier in Alfred de Musset  oeuvres poétiques

A Alfred de Musset

La fleur de la jeunesse est-elle refleurie
Sous les rayons dorés du soleil d’autrefois ?
Mon beau passé perdu connait-il votre voix,
Et vient-il, l’étourdi, railler ma rêverie ?

Par la chute des jours mon âme endolorie
A laissé ses chansons aux épines des bois.
Du fardeau maternel j’ai soulevé le poids,
J’ai vêcu, j’ai souffert, et je me suis guérie.

Hélas ! qu’il est donc loin le printemps écoulé !
Que d’étés ont séché son vert gazon foulé !
Que de rudes hivers ont refroidi sa sève ;

Mais de votre amitié le doux germe envolé
A retrouvé sa place, et mon cœur consolé
En recueille les fleurs au chemin qui s’achève.

Q15  T6  réponse au sonnet précédent

Un jour m’a donc ravi ma longue indifférence! — 1820 (3)

Charles J. Hubert in L’almanach des Muses

Sonnet

Un jour m’a donc ravi ma longue indifférence!
O paix! ton calme heureux n’est plus fait pour mon coeur.
Laisse-moi, je gémis, j’aime sans espérance;
Mais je préfère encor ma peine à ton bonheur.

Du moins sa douce image enchante ma pensée;
Du moins l’illusion reste pour me charmer.
En rêve je la vois du même trait blessée
Elle soupire, … Ô dieux! Est-ce un tourment d’aimer?

Non, non, que mon amour soit mon bien, soit ma vie;
Par des revers affreux quand mon âme est flétrie,
Amour, songe charmant, console mes douleurs.

Et toi, que j’aime en vain, pardonne ô Natalie!
Si, ne pouvant bannir ton image chérie,
J’oublie, en t’adorant, ma peine et mes malheurs.

Q 59 -T6

Le doux printemps a rajeuni Cybèle; — 1819 (5)

François de La Pommeraye
Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

Le doux printemps a rajeuni Cybèle;
Déjà sa robe est couverte de fleurs;
Déjà Progné se plaint, et Philomèle
Vient raconter la cause de ses pleurs;

Le ciel sourit, la nature est plus belle;
L’amour, de joie enivre tous les coeurs;
Et, répandant une flâme nouvelle,
Vénus convie à ses tendres fureurs.

Moi, cependant, moi seul dans la nature,
Toujours en proie au tourment que j’endure,
Toujours songeant à celle que je perds,

Je ne vois plus les fleurs ni la verdure;
Je n’entends plus le ruisseau qui murmure;
Les plus beaux lieux sont pour moi des déserts.

Q8 – T6 – déca