Archives de catégorie : formules principales

Vous dont je suis formé, corps, substance éthérée, — 1820 (5)

Lazare Carnot Opuscules Poétiques

SONNET SUR L’HOMME

Vous dont je suis formé, corps, substance éthérée,
A demeurer unis quel lien vous astreint?
Hôtes d’un globe errant sous la voute azurée,
Quel est mon origine et le but qu’elle atteint?

Atôme dans l’espace, instant dans la durée,
Molécule qui sent, conçoit, agit, se plaint;
Fleur qui naît, éblouit, tombe décolorée;
Etincelle qui brille, et se meut, et s’éteint.

Tel est l’homme, et son oeil des sciences profondes
A su percer l’abîme: il balance le mondes
Il dompte l’éléphant, il invente les arts.

Mélange de raison, d’orgueil et de tendresse,
L’héroïsme en son coeur s’allie à la faiblesse:
La nature y versa ses dons et ses écarts.

Q8 – T15 – carn

Le spectacle des cieux m’élève et me console, — 1820 (4)

–  Lazare Carnot Opuscules Poétiques

LE SPECTACLE DE LA NATURE

Le spectacle des cieux m’élève et me console,
Il affranchit mon coeur de ces prestiges vains
Dont le fracas du monde éblouit les humains,
Et dégage mes sens d’une pompe frivole.

Que le reste est petit! quelle sublime école,
Pour l’orgueil insensé qui cause nos chagrins!
Que sont des monumens, ouvrages de nos mains,
Ces titres, cet éclat, dont on fait une idole!

Nous vivons un instant dans une éternité;
Nous occupons un point dans une immensité:
Pourquoi tant de soucis sur ce grain de poussière?

O mortels! contemplons l’ordre majestueux,
Suivant lequel sont mus ces globes de lumière:
C’est là que tout est grand et digne de nos voeux.

Q15 – T14 – banv

Les Grâces, les Amours, les Vertus, les Talens, — 1820 (2)

–  M. Le chevalier Coupé de Saint-Donat in L’almanach des Muses

Les adieux du jeune Paulin

Les Grâces, les Amours, les Vertus, les Talens,
Rien des traits de la Mort, rien ne l’a pu défendre.
Sous sa faulx, la Cruelle, hélas! vient de l’étendre
Comme un arbuste en fleur arraché par les vents.

Tel on dit que le cygne au douloureux accens,
Célèbre son trépas aux rives du Méandre,
Tel au banquet des morts étant près de descendre,
PAULIN, tu modulais ces adieux déchirans:

« Faut-il, si jeune hélas, quitter ma tendre mère! `
Faut-il à dix-sept ans te quitter ô mon père!
Mais, le destin le veut … embrassez votre fils.

ADIEU VOUS DIS!  » Sa main, sur le clavier sonore,
Touche le chant funèbre; et sa voix dit encore:
« Embrassez votre enfant. Je meurs. ADIEU VOUS DIS. »

Q15 – T15

Les derniers mots sont expliqués en note: « A ses derniers moments il voulut exécuter sur le piano une romance dont le refrain est: ADIEU VOUS DIS. »

L’Amour, le tendre Amour eut mon premier hommage; — 1819 (2)

François de La Pommeraye Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

La Pommeraye écrit dans la préface de son ‘Recueil des oeuvres », qui contient 16 sonnets, dont douze sont des traductions, (onze de Pétrarque et une du Tasse): « Je crois surtout que les sonnets imités de Pétrarque, sont infiniment au-dessus de mes autres productions. » 4 est une version du n°vii du Canzoniere ( » La gola e ‘l somno et l’otïose piume « ), avec un titre ajouté; 5 du n°cccx ( » Zephiro torna, e ‘l bel tempo rimena »).

Sonnet-préface

L’Amour, le tendre Amour eut mon premier hommage;
Je ne cédai que trop à ses charmes trompeurs ;
Long-temps, par ses conseils, je fus loin du rivage,
Entraîné sur les flots, en butte à ses fureurs.

Enfin, avec effort, j’échappai du naufrage,
Et, cherchant un asile au temple des neuf soeurs,
Là, je me crus au port, à l’abri de l’orage,
Où pensois-je goûter le calme et les douceurs!

Malheur à tout mortel qui dans sa folle audace,
Aspirant à cueillir les lauriers du Parnasse,
Court après les dangers de la célébrité!

Malheur à qui ne sait que notre renommée
N’est qu’un léger nuage, une vaine fumée,
Qui passe et disparoît devant l’éternité!

Q8 – T15

Que j’aime du Très-Haut les chefs-d’oeuvres divers! — 1819 (1)

Demonvel (J.Mi. Jus-Ari.. D’Gallia) Dieu. …

Sonnet à la gloire de Dieu

Que j’aime du Très-Haut les chefs-d’oeuvres divers!
Tout porte de son nom la grandeur, la puissance;
Il se montre partout, et dans tout l’univers
On aperçoit l’éclat de sa magnificence.

L’espoir de l’orphelin, la terreur du pervers,
Il s’établit l’appui de la sage innocence.
L’homme qui le chérit brave tous les revers:
Il est presque animé de son intelligence

O grand Dieu! soutiens-moi dans ma faible vertu;
Que mon coeur ne soit pas sans cesse combattu.
Oui, secours ton enfant, puisqu’enfin il t’honore!

Ne pourrais-tu garder aucun de tes secrets? …
Ma raison l’aperçoit; il faut que je t’adore
En louant tous les jours les dons de tes bienfaits.

Q8 – T14

« Fait à T***, en 1816« . L’auteur est, en fait, le même que celui des sonnets 1817, 2-4

Le désir insensé d’éterniser son nom — 1818 (4)

M. Le Chevalier Coupé de Saint-Donat in L’almanach des Muses

Sonnet

Le désir insensé d’éterniser son nom
Impose un joug de fer aux mortels qu’il enivre.
Tel consume son temps à pâlir sur un livre,
Tel autre à tous propos affronte le canon.

On se croit un Voltaire, on se croit un Crillon;
C’est la gloire, dit-on, la gloire qu’il faut suivre!
Eh bien donc suivez-la! moi, gaîment je veux vivre.

Pourrais-je après ma mort jouir de mon renom?
Il est plus d’une épine au rosier de la vie.
Mourir pour vivre un jour me semble une folie.

Remplissons nos devoirs, honorons les vertus:
Le bruit tant recherché qui fait la renommée,
Pendant que nous vivons, n’est qu’un peu de fumée,
Et c’est bien moins encor quand nous ne vivons plus.

Q15 – T15 – QTTQ – disp 4+3+3+4

(a.ch) C’est un sonnet-sandwich dont je ne connaissais pas l’existence, bien avant l’auguste Brizeux puis Baudelaire. Son schéma de rimes abba abb acc deed, effectivement « ordinaire », est discrépant par rapport à la répartition en quatrains et tercets QTTQ. Là aussi, ça me paraît une trace de la versification en vers à rimes mêlées des discours narratifs du XVIIIe. Les poètes ultérieurs en tiendront compte en revanche.

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce? — 1818 (2)

A. Poujol Galerie de cent tableaux, …

Sur mes sonnets

Pourquoi tant de sonnets sur points de toute espèce?
Sa mesure me plaît; et son cadre charmant
Me tombe sous la main, maintefois, en courant,
Quand de versifier le doux besoin me presse.

Alors qu’il se présente avec l’humble sagesse,
Je le remplis soudain, parfois dans un instant:
Je suis peut-être dur, rustique ou peu brillant;
Je manifeste peu d’ingénieuse adresse.

Le sonnet est l’écueil de tous rimeurs français,
On sait que rarement l’on en voit de parfaits,
Et qu’un seul vaut alors autant qu’un long poème.

Mais, est-ce une raison pour le mettre à l’écart?
A mieux faire avec soin l’on parvient tôt ou tard;
Eh! d’en former sur tout je me suis mis à même.

Q15 – T15 s sur s

Alors qu’un franc courtier tient en main bonne affaire — 1817 (5)

–  A. Poujol Sonnet Impromptu – A des commerçans qui ont abusé de la confiance d’un commissionnaire


Alors qu’un franc courtier tient en main bonne affaire
S’il connoît des marchans qui veulent la traiter
Seroit-il pas un sot s’il alloit s’arrêter
A celui qui toujours lui rogne son salaire ?
Plus encore aux marchands d’un âpre caractère,
Qui ne connoissant point l’art de se respecter,
Et celui, moins encor, le grand art de traiter,
Contents de s’épargner un modique honoraire.
Quand un courtier loyal leur a lâché le nom
Et le prix du vendeur, sur bon échantillon,
Ils refusent soudain ce qu’ils brûlent de prendre.
Que font ces maladrois ? ils traitent sans courtier,
Risibles ignorans du jeu de ce métier
Qu’il pretent dix pour un, trop sots pour bien comprendre.

Q15  – T15 – sns

Quel globe, là-bas, rougeâtre! — 1817 (3)

Jean-J Boutet de Monvel Sonnets

Le lever de la Lune

Quel globe, là-bas, rougeâtre!
Frappante image du feu,
Admirable et céleste âtre,
Tu gis là dans un corps bleu.

Ce corps, immense théâtre
Avec toi remplit un voeu:
L’heureuse nuit t’idolâtre;
On te cherche de tout lieu.

Roulant ainsi dans la sphère,
Bien plus loin que l’atmosphère,
Ton astre à l’oeil s’éclaircit.

O Déesse tant aimable!
Sois tous les jours secourable:
A jamais vive ton rit!

Q8 – T15 – 7s

Elément composé, toi magnifique mère — 1817 (2)

Jean-J Boutet de Monvel Sonnets

« Nous avons fait imprimer dans différents opuscules, deux sonnets qui ont plu. En voici un qui est plus remarquable; il est plus correct que ceux du législateur du Pinde: on n’y trouve ni articles, ni pronoms, ni conjonctions absolument semblables. « . de Monvel corrige Boileau, en prenant à la lettre sa recommandation de ne jamais employer deux fois le même mot dans un sonnet. On remarque qu’il ne considère pas ‘ l’ ‘ comme un mot. Ce sonnet est un PLANT (plagiat par anticipation) d’un sonnet oulipien récent.

« nous en avons adopté d’irréguliers « ; ‘irrégularité’ due pour lui aux rimes des quatrains du n°4, qui sont différentes

La Terre

Elément composé, toi magnifique mère
Tes actes, tous divins, sont puissants à mes yeux;
Ton sein, vivifié des dons de l’atmosphère,
Est vraiment l’existence, ô monde précieux!

Les règnes variés fermeraient la matière;
Tu peux t’enorgueillir; enfants officieux,
Leur produit sert encor l’une et l’autre hémisphère:
Chacun fut un bienfait, rendons grâces aux Cieux!

Noble aspiration! Immense réceptacle!
Ta richesse toujours rappelle le miracle
Mon âme, élève nous jusqu’au Dieu créateur.

Quadrupèdes, métaux, fleurs odoriférantes,
Vivez pour son saint nom, en comblant nos attentes;
Oui, terre, sois hommage, aime ce protecteur.

Q8 – T15