Archives de catégorie : Mètre

Ce que fait l’araignée est au-dessus de nous — 1996 (2)

Robert Marteau Rites et offrandes (2002)


(Bure, Saint-Ouen-La Cour, jeudi 24- vendredi 25 octobre 1996)

Ce que fait l’araignée est au-dessus de nous
Par le sens et la perfection de l’ouvrage,
Réplique de l’univers recomposé fil
A fil, incluant invisibles et galaxies,

De même que les éléments et les principes,
Paradigme pour la dentellière penchée
Dans la clarté de la fenêtre; extension
Du chiffre huit par quoi l’octopode se meut

Selon le dessein parfaitment reconnu.
Ainsi la révélation refait son voile
Dans l’interstice qui sépare deux brins d’herbe.

Tu t’arrêtes, piéton, regardes, vérifies
Tes calculs, sur le vif comparant ta mémoire
Au mystère qui s’offre à chacun de tes pas.

bl – 12s- sns

Un instant tu as oublié le nom — 1996 (1)

Lionel Ray Syllabes de sable

Un instant tu as oublié le nom
des choses: la nuit est vide,
l’heure n’est plus cette écriture
du sable et des oiseaux.

Un instant tu es entré dans
la non-vision du soleil, dans
l’immobile minuit, dans la cave
de l’impossible naissance

Du monde. Il n’y avait nulle
apparence, nul être, pas même
la trace d’un brin d’herbe ou l’hypothèse

D’un nuage, ni début ni fin,
Seulement cette mesure de l’in-
connaissable et le parfait absolu.

bl – m. irr

Certains riment encore en cruche — 1995 (11)

Jude Stefan Prosopopées

Poésie pire

Certains riment encore en cruche
des neuf portes de la perception
avec deux jambes en queue de poisson
pour course d’autruche

à 6 ans une crise cardiaque enlève le boxer
la foudre frappe le sanctuaire
le lièvre dort les yeux ouverts
pour l’anthologie d’une nouvelle ère

miss Hardwick insistait sur les rétroflexes
comme un sanscrit
nous citait les chefs-d’oeuvre à l’index

tous sauf la bible
pourtant sinistrissime rhapsodie
digne de Raspoutine et d’Ivan le Terrible

r.exc. –  m.irr.

Je suis tel riche auquel sa clé bénie — 1995 (9)

Daniel & Geneviève Bournet Sonnets de Shakespeare

Sonnet 52

Je suis tel riche auquel sa clé bénie
Ouvre son doux trésor cadenassé,
Qu’à tout moment il ne faut qu’il épie
Pour émousser l’aigu de volupté.

Fêtes sont donc solennelles et rares,
Disséminées en la longueur de l’an,
Comme pierres de prix maigrement parent,
Ou les maîtres joyaux dans leur carcan.

Le temps vous serre ainsi comme ma caisse,
Ou garde-robe où robe est au secret,
Pour faire instant spécial spéciale liesse,

Déployant neuf son orgueil prisonnier.
Bienheureux vous, dont dignité dispense,
Présent, triomphe, ou, absent, espérance.

Q60  T23 – disp quarto sh52  – déca

Verlaine? Il est dressé sur l’herbe — 1995 (8)

Hedi Kaddour Les fileuses

Verlaine
à Guy Goffette

Verlaine? Il est dressé sur l’herbe
Lyre et palme dans le dos, Verlaine,
En buste au sommet de trois bons
Mètres de pine granitique où se tordent

D’improbables muses affolées d’être
Prises en sa compagnie sous le regard
De promeneurs bien plus novices
Aux combats du plaisir. Le hurlement

Amer d’une moto trouble soudain
Le petit chant de pluie sur les platanes
Et châtaigners, un rayon de soleil,

Tranche en clair-obscur le massif rouge
Et vert, et Verlaine renfrogné rêve encore
L’air qui ferait tout tenir ensemble.

bl – m.irr

Surgit soudain la dissonance — 1995 (7)

Hedi Kaddour Les fileuses

La belle

Surgit soudain la dissonance
En si majeur, brutale comme
Un coup d’oeil hypocrite qu’à
Surpris l’intérieur du genou

D’une femme et ne sait plus
Que faire de sa rage. Elle traverse
La pièce et revient en violence
De poing sur le clavier: joue donc

La fausse erreur, rétorquent
Les sons rieurs qui vont quand même
Au vent avec les cris, le grand

Soleil et les ballons d’enfants,
Car la belle, tu le sais, ça n’est
Jamais qu’un des temps de la bête.

bl – m.irr  octosyllabes plutôt

La main fait glisser une légère — 1995 (6)

Hedi Kaddour Les fileuses

Les pommettes

La main fait glisser une légère
Bretelle noire le long de l’épaule
Trempée de pluie, et la ville
Sous le vent devient l’égale

Des gestes les plus clairs.
Réjouissons-nous un instant
De croire à la figure
, récite
La femme aux pommettes saillantes,

Alors qu’à petits pas les montres
Vont leur chemin dans le jour
Véritable.
Elle fut la première

A embrasser, et se surprend encore
De sa douceur en regardant sa jambe
Monter vers le vieux lustre.

bl – m.irr  plutôt octosyllabes

Et ce serait un grand bonheur d’en finir à l’automne — 1995 (3)

Claude Esteban Quelqu’un commen ce à parler dans une chambre

Et ce serait un grand bonheur d’en finir à l’automne
avec ce corps qui n’en peut plus et dans les arbres un peu de vert,
tout resterait à sa place, sans nous, jusqu’à l’hiver
et puis viendrait la neige et la Noël pour tous les autres

quelqu’un dirait peut-être, connaissiez-vous cet homme-là,
je  ne sais plus son nom, il lui arrivait parfois de sourire
pour pas grand-chose, un nuage qui passe, mais il faut vivre
avec les siens, mais c’est déjà beaucoup de se souvenir

et l’on serait cet homme-là qui n’intéresse plus personne
mais qui ne souffre plus de son corps et ce serait déjà beaucoup,
peut-être qu’on serait mêlé dans la terre aux feuilles jaunes

et qu’on descendrait comme les fourmis au-dedans du chaud,
on dormirait, on n’aurait plus de mauvais rêve, on pourrait croire
que les morts sont heureux dans leurs demeures sans échos.

bl – m.irr

Comme partout ailleurs le ciel à Bezons — 1995 (2)

Guy Goffette Le pêcheur d’eau

Paix de coucou
A Gérard Noiret

I

Comme partout ailleurs le ciel à Bezons
Est par-dessus le toit, et peu s’inquiètent
En bas de la qualité d’une étoffe
Si commune – sauf le vieux boxer peut-être

Qui ne dort plus et rumine sa fin
Prochaine à la fenêtre du troisième
Cité des Lilas tandis que les petits
Pavillons de meulière font corps avec

Le souvenir l’oubli des jours maigres et
Du pain dur. C’était hier et ça reste
Comme le ciel dans la mémoire, un bleu

De plus en plus rapiécé: le retour
De mon père à la maison et ses mains
Nues et meurtries près de l’assiette à fleurs.

bl – 10 s