Archives de catégorie : Quatrain

Décrit la formule de rime des quatrains.

Je veux pour ma chérie — 1843 (21)

Théophile Gersant Première gerbe

Sonnet

Je veux pour ma chérie
Un diadème d’or,
De velours, de soîrie,
Pour cacher mon trésor.

Sur sa tête jolie,
Je veux un voile encor,
Qui serpente, et se plie
Autour de son beau corps …

Non, je ne veux de voile,
Qui cache mon étoile,
En lui cachant les yeux ;

Je ne veux de ces choses,
Qu’un sourire et des roses
Qui la pareront mieux.

Q8  T15  6syll.  La rime ‘encor/corps’ est incorrecte

Mère …. il est un enfant à la pensée austère — 1843 (20)

– Marie-Laure Grouard Les églantines

A la ville de Paris

Mère …. il est un enfant à la pensée austère
Qui naquit dans tes murs, quitta le sol natal,
Et, cachant son chagrin dans son cœur virginal,
S’en fut grandir au loin, sur quelque coin de terre.

On devinait en elle un douloureux mystère,
Mais nul ne put savoir le secret de son mal.
Alors, sans plus fouiller dans son passé fatal
Le monde lui donna pour nom : la solitaire.
Car jamais un ami n’accompagnait ses pas…
Le front baissé, toujours on la voyait, hélas !
Seulle dans le vallon, seule dans la campagne,

Pourtant, si quelque jour elle venait vers toi,
Ne la repousse point, car cet enfant, c’est moi,
Mère … et, pour toi, bientôt je fuirai la montagne.

Q15  T15  disp 4+3+4+3 (mais la succession des rimes est habituelle)

Pour bâtir aujourd’hui, l’art de l’architecture — 1843 (19)

– Moyse Alcan à Pierre Perrat

Sonnet

Pour bâtir aujourd’hui, l’art de l’architecture
N’a plus que le compas, la pierre et le ciment.
Des œuvres d’autrefois éternel élément,
La croyance a fait place à la science impure.

Vos noms, divins auteurs d’un pieux monument,
Sont jetés par l’oubli dans une nuit obscure ;
Sous les sombres piliers l’oiseau seul les murmure,
Et le vent les redit comme un gémissement.

Mais que t’importe à toi notre mortelle gloire !
Perrat*, qu’as-tu besoin des pages de l’histoire,
Toi qui sus abriter le juste & le pécheur.

De prière et d’encens cette nef embaumée
Ne nous dit-elle pas mieux que la renommée :
Heureux qui construisit la maison du Seigneur !

* Architecte de la Cathédrale de Metz

Q16  T15

Ce doux bouquet mouillé qui s’effeuille à nos yeux, — 1843 (18)

Marie-Mennessier Nodier in Alfred de Musset oeuvres poétiques

Au même

Ce doux bouquet mouillé qui s’effeuille à nos yeux,
Et que jamais la main n’a pu reprendre ou suivre,
Ne le regrettons pas ! j’ai lu dans un vieux livre
Que son nœud détaché voulait parler d’adieux.

Du foyer paternel, vous, l’esprit radieux,
Dans l’ardente mêlée où le triomphe enivre,
Vous vous souvenez donc qu’en essayant de vivre
Ensemble nous étions partis d’un vol joyeux ?

Nous avons traversé la merveilleuse plaine
Où la fleur du jeune âge, amicale, et sereine
Dit : « la vie est charmante et l’avenir bêni »

Puis je vous vis monter quand je perdis haleine.
A la cime des monts votre âme souveraine
Allait cherche son aire, et je gardais mon nid.

Q15  T6  v.12 et 14 : rime incorrecte

Quand, par un jour de pluie, un oiseau de passage — 1843 (17)

– Alfred de Musset

A la même

Quand, par un jour de pluie, un oiseau de passage
Jette au hasard un cri dans un chemin perdu,
Au fond des bois fleuris, dans son nid de feuillage,
Le rossignol pensif a parfois répondu.

Ainsi fut mon appel de votre âme entendu,
Et vous me répondez dans notre cher langage.
Ce charme triste et doux, tant aimé d’un autre âge,
Ce pur toucher du cœur, vous me l’avez rendu.

Etait-ce donc bien vous ? si bonne et si jolie,
Vous parlez de regrets et de mélancolie.

–       Et moi peut-être aussi j’avais un cœur blessé.

Aimer n’importe quoi, c’est un peu de folie,
Qui nous rapportera le bouquet d’Ophélie
De la rive inconnue où les flots l’ont laissé ?

Q10  T6  suite au n°16

La fleur de la jeunesse est-elle refleurie — 1843 (16)

Marie-Mennessier Nodier in Alfred de Musset  oeuvres poétiques

A Alfred de Musset

La fleur de la jeunesse est-elle refleurie
Sous les rayons dorés du soleil d’autrefois ?
Mon beau passé perdu connait-il votre voix,
Et vient-il, l’étourdi, railler ma rêverie ?

Par la chute des jours mon âme endolorie
A laissé ses chansons aux épines des bois.
Du fardeau maternel j’ai soulevé le poids,
J’ai vêcu, j’ai souffert, et je me suis guérie.

Hélas ! qu’il est donc loin le printemps écoulé !
Que d’étés ont séché son vert gazon foulé !
Que de rudes hivers ont refroidi sa sève ;

Mais de votre amitié le doux germe envolé
A retrouvé sa place, et mon cœur consolé
En recueille les fleurs au chemin qui s’achève.

Q15  T6  réponse au sonnet précédent

Je vous ai vue enfant, maintenant quand j’y pense, — 1843 (15)

Alfred de Musset in ed. pléiade des Œuvres poétiques

A Marie-Mennessier-Nodier

Je vous ai vue enfant, maintenant quand j’y pense,
Fraiche comme une rose et le cœur dans les yeux,
« Je vous ai vu bambin, boudeur et paresseux ;
Vous aimiez Lord Byron, les grands vers et la danse »

Ainsi me revenaient les jours de notre enfance,
Et nous parlions déjà le langage des vieux ;
Ce jeune souvenir riait entre nous deux,
Léger comme un écho, gai comme l’espérance.

Le lâche craint le temps parce qu’il fait mourir ;
Il croît son mur gâté lorqu’une fleur y pousse.
O voyageur ami, père du souvenir,

C’est ta main consolante, et si sage, et si douce,
Qui conserve à jamais un pas fait sur la mousse,
Le hochet d’un enfant, un regard, un soupir.

Q15  T21

Maître, malgrè les cris, poursuis ta longue route. — 1843 (14)

Francis Girault in  Balzac : Lettres à l’étrangère

Maître, malgré les cris, poursuis ta longue route.
Va, grandissait toujours, sans crainte ni souci.
De tes conceptions le cercle, Dieu merci,
Est loin d’être épuisé : tu sais ce qu’il en coûte

Ah ! tout puissant esprit qui force qu’on l’écoute !
L’envieux journaliste, au cerveau rétréci,
Ne te pardonne pas de l’avoir peint : aussi
Déverse-t-il sur toi sa haine goutte à goutte.

Qu’il siffle ou qu’il aboie, et que t’importe-t-il ?
Dessine sans broncher le multiple profil
De ce siècle inouï ; maître ; c’est là ton œuvre.

Qui peut fermer la bouche aux petits détracteurs ?
Reste donc au sommet. La rampante couleuvre
Ne s’élève jamais à de telles hauteurs.

Q15  T14

Dieu, nom générateur, nombre premier, dernier, — 1843 (13)

? Poésies rationalistes

La divinité

Dieu, nom générateur, nombre premier, dernier,
L’univers devant vous s’incline tout entier !
Des signes et des sons ennoblissant l’usage
Notre voix par des chants a su vous rendre hommage.

Otez-nous les plaisirs que les pleurs font payer,
Délivrez-nous du mal, prélude singulier
De l’oubli des vertus, du manque de courage,
De l’abus du bonheur qui fut notre partage.

Qui pourra comme vous enchaîner tous les nombres,
Graver en traits de feu les rayons et les ombres,
Donner aux pesanteurs les lois du mouvement.

L’atome vous subit comme le firmament.
O divin Créateur, votre toute-puissance
Soumet à l’absolu le temps et la distance !

Q1  T13

L’infini, le fini, l’esprit et la matière, — 1843 (12)

? Poésies rationalistes

L’humanité

L’infini, le fini, l’esprit et la matière,
Le temps, l’indéfini, la nuit et la lumière,
Voilà bien, répondez, tous nos sujets d’orgueil,
Je n’en connais pas un qui soit fait pour notre œil.

Aux lueurs de ces flambeaux à notre fin dernière
Tristement nous marchons, regardant en arrière ;
Nous rentrons sous la terre en approchant du seuil,
A ceux qui l’ont passé nous gardons notre deuil.

Dans la profonde nuit cette marche incertaine
Trahit, à chaque pas, notre faiblesse humaine,
L’homme ne sait-il rien ? pourrait-il tout savoir ?

Voilà du vieil enfant l’éternel désespoir.
Pour faire des jouets de ses œuvres insignes
Nous empruntons à Dieu ses chiffres et ses signes.

Q1  T13