Archives de catégorie : carn

Q8 – T15

J’aime, en jetant aux airs des senteurs de jasmin, — 1838 (4)

Théodore CarlierPsukhê; Etudes

Vous encore!

J’aime, en jetant aux airs des senteurs de jasmin,
De tes beaux cheveux bruns mêler la longue tresse!
J’aime, pour m’enivrer d’un bonheur surhumain,
Attirer tes regards, doux comme une caresse!

J’aime te voir pleurer lorsque, sur ton chemin,
Quelque mère indigente à ta pitié s’adresse!
J’aime te voir sourire, et me presser la main,
Lorsqu’un couple béni se parle avec tendresse!

J’aime ta voix, tes pas légers comme l’oiseau,
Ta taille mollement souple comme un roseau,
Et ton coeur pour moi sans mystère!

Mais j’ai peur, quand ton pied se pose à peine au sol,
Que tu ne sois un ange, – et que, prenant ton vol,
Tu ne me laisses sur la terre!

Q8 – T15 – 2m (octo:v.11, v.14)

Les vagues à vos pieds, comme aux pieds de leur reine, — 1837 (5)

Raymond Du Doré Poésies d’un proscrit


Sonnet

Les vagues à vos pieds, comme aux pieds de leur reine,
Venaient, ô Julia ! se briser tour à tour :
L’azur tendre et profond de la voûte sereine
Se peignait à vos yeux plus brillans que le jour.

Sur votre front charmant, dans vos boucles d’ébène,
Des zéphirs arrivans jouaient avec amour,
Et l’effort indiscret de leur suave haleine,
Quelquefois trahissait un ravissant contour.

Le doux frémissement des arbres de la rive,
Les chants du matelot, l’oiseau, l’oiseau, l’onde plaintive,
Tout semblait rendre hommage à vos divins attraits,

Mais vous, sans regarder ni les flots ni la terre,
Pensive, vous teniez la main de votre mère,
Ah ! que vous étiez belle et combien je souffrais.

Q8  T15

Hier, la rue aux Ours me vit, après neuf heures, — 1836 (10)

Adolphe Rolland Feuilles mortes

XLV

Hier, la rue aux Ours me vit, après neuf heures,
Gravir avec lenteur son paisible sentier,
Et sur le seuil ami des antiques demeures,
Un ange souriant semblait me convier.

Et j’entendais sa voix me dire : « Ingrat, tu pleures,
Et caches ta paupière à qui veut l’essuyer.
Des lointaines clartés dédaigne les vains leurres,
Assois ta vie errante à son premier foyer »

Et cheminant toujours je vis la porte ouverte
De mon ancien logis, et sa pelouse verte,
Le peuplier, la vigne et les pots de jasmin.

Le passé me reprit à son charme ineffable,
Et mon regard rêveur rencontra sur le sable
Un rameau de vanille échappé de vos mains.

Q8  T15

Quand l’espoir consolant redit au souvenir — 1836 (8)

– ? Essai poétique

Quand l’espoir consolant redit au souvenir
Des instans de douceur loin du fracas du monde,
Que l’écho du passé rend au cœur un soupir,
Celui de l’espérance …. ivresse alors profonde !

Comme le cœur ému savoure avec plaisir
Ce songe de l’erreur ! … à cette terre féconde*
Il redit les accens de son plaintif désir ;
Sur l’avenir qu’il goûte avec joie il se fonde.

Et son âme enivrée au songe du bonheur,
Satisfaite du moins dans une douce erreur,
Vit pour le souvenir, sinon pour l’espérance.

Du passé qui renaît, chimériques soutiens,
De vous, sans le savoir, nous faisons les vrais biens :
Ainsi l’illusion forme la jouissance.

Q8  T15

* Dans ce sonnet particulièrement tarte d’un auteur anonyme se trouve un des rares vers faux qu’il m’a été donné de rencontrer.

Oui, je l’ai dégradé cet auguste langage — 1836 (5)

Louis Barbey d’Aurevilly Sonnet

V – La poésie

Oui, je l’ai dégradé cet auguste langage
Que l’ange parle à l’ange, au plus profond des cieux:
Homme! je  l’ai trop fait, hélas, à mon image,
Quand je sentais pourtant qu’il devait être mieux!

Je sentais qu’il fallait, au-delà du rivage,
Tendre, avec mes désirs, vers un but radieux,
Et qu’ardente, et profonde, et non jamais volage,
L’ame ne devait pas vivre toute en mes yeux?

Je vis plus à présent au-dessus de moi-même,
Ce que j’aimais n’est plus, ô mon Dieu, ce que j’aime,
Nul à moi plus que moi ne peut être cruel;

Ma loi moins que mon coeur, sans pitié me condamne:
La poésie est-elle une chose profane?
– Non, c’est le tabernacle où Dieu brûle, éternel!

Q8 – T15

Louis est le frère de Jules, auquel son recueil a été longtemps attribué par le catalogue de la Bibliothèque Nationale.

Des brillants séraphins, toi, l’amoureux élève! — 1836 (4)

Alexandre Soumet

Raphaël

A mme G.D. jeune poëte dont le profil offre quelque ressemblance avec les traits du peintre divin

Des brillants séraphins, toi, l’amoureux élève!
Toi qui regardais Dieu pour mieux voir la beauté,
Et la créais encor comme une seconde Eve
Dans ton Eden fleuri par la vierge habité:

Reviens-tu parmi nous, passant comme un beau rêve,
Contempler au Thabor ton immortalité?
Chef-d’oeuvre interrompu qui dans les cieux s’achève
Et qu’un ange inonda d’un fleuve de clarté.

Ton oeil brûle et languit sous des cils noirs de femme;
Un rayon étoilé nous rapporte ton âme
Et ces traits purs et doux qui furent Raphaël.

Une lyre accordée à ta grâce infinie
Nous rend de tes couleurs l’ineffable harmonie,
Et ta palette chante avec les tons du ciel.

Q8 – T15

Unique ? sonnet de ce poète qui fut énormément célèbre

La foule à flots bouillans se roulait dans l’enceinte, — 1836 (3)

Hippolyte Barbier Elévations poétiques

Barnave, sonnet

La foule à flots bouillans se roulait dans l’enceinte,
Et les rois en étaient à leur dernier lambeau,
Pour enfanter l’enfer dont elle était enceinte,
La patrie en travail gisait sous Mirabeau!

Barnave se leva, colombe chaste et sainte
Pour poser son pied pur où resta le corbeau,
Muse au sourire aimant, Vierge à la douce étreinte,
Ange des bons espoirs qui console un tombeau.

Ce front blanc comme un lys, et de ces boucles blondes
Les anneaux  déroulés comme les plis des ondes,
D’une énivrante voix la molle majesté;

Ce coeur encor en lui plus grand que le génie …
 » C’est bien, dit Mirabeau, grimaçant d’ironie,
Mais il y manque encor de la divinité! »

Q8 – T15  – inhabituel éloge d’un célèbre girondin

Adieu! tout s’est enfui, le bal et la lumière, — 1836 (2)

Alfred Rousseau Un an de poésie

Caprice, I

Adieu! tout s’est enfui, le bal et la lumière,
Concerts et rêves d’or, prestige d’un moment!
O mon dieu, je suis seul, exauce ma prière,
Qu’un rêve me le montre encor en m’endormant!

De mes larmes en vain j’inonde ma paupière,
Ma vie est de souffrir, nul espoir ne m’attend:
Que suis-je pour l’aimer? mon âme toute entière
Ne vaut pas un regard qu’elle donne en riant?

Je suis jaloux de tous, car tous la trouvent belle:
Je n’avais de bonheur qu’à m’asseoir auprès d’elle,
Mais souvent sa parole est amère pour moi:

Femme, pourquoi presser ma couronne d’épine,
Porte ta douce main sur mon front qui s’incline,
Pour moi, le bal c’est toi!

Q8 – T15 – 2m (v.14: 6s)

Adieu le beau Paris que toujours on regrette! – — 1836 (1)

Alfred Rousseau Un an de poésie

Adieu le beau Paris que toujours on regrette!
Paris, brillant soleil d’un monde harmonieux!
Paris, ville à la fois noble dame, et grisette,
Dont le souffle enivrant a le parfum des cieux!

Voici venir l’hiver: la campagne est muette;
Amis, partez sans moi, recevez mes adieux,
Car déjà la colline a dérobé sa crête
Sous un voile de neige éblouissant aux yeux!

Mais songez quelquefois aux rives de la Creuse,
Lorsque viendra le soir, l’heure mystérieuse
Où l’on demande au ciel un sublime entretien:

Priez pour vos amis, priez pour votre mère,
Et si le désespoir mouille votre paupière,
Que notre souvenir soit votre ange gardien!

Q8 – T15

Hâtes-toi de parler, ô ma lyre d’ivoire ! — 1835 (10)

J-B Claray de Crest-Volland Sonnet à son Altesse Royale Monseigneur le Duc de Bordeaux

Hâtes-toi de parler, ô ma lyre d’ivoire !
Entonne un chant sublime au pur sang de Berri ;
Nations, mes accords, précurseurs de l’histoire,
Révèlent à vos yeux les destins de Henri.
Jeune, il saura des arts éterniser la gloire,
Formé dans la vertu par un autre Henri.
Et, si l’honneur le guide aux champs de la victoire,
Rappeler les héros de Bouvine et d’Ivri.
De la religion dont le zèle l’enflamme,
Il fera près des lis arborer l’oriflamme.
Nemours, Colbert, Rousseau* renaîtront sous ses lois.
Au temple de mémoire, en traits ineffaçables,
Neuf soeurs, vous graverez ces mots impérissables :
DIEU-DONNÉ FUT L’AMOUR DE L’EMPIRE GAULOIS.

* Jean-Baptiste

Q8 T15  acr.  sns  disp droite

Crest-Volland prend bien soin de signaler en note que son ‘Rousseau’ n’est pas l’horrible ‘Jean-Jacques’ !