Archives de catégorie : Genre des rimes

La fille du soleil, sur un char de lumière, — 1821 (1)

Louis Bonnet (aîné) Poésies

La Bergère sur le point d’aimer. Sonnet.

La fille du soleil, sur un char de lumière,
Rougissait de ses feux les portes du matin:
L’étang réfléchissait un ciel pur et serein,
Et la reine des nuits achevait sa carrière:

Abandonnant déjà l’étable hospitalière,
Io des prés connus reprenait le chemin:
Déjà l’agneau paissant le cytise et le thym
Le long des clairs ruisseaux errait sur la bruyère:

Quand j’entendis ces mots  » D’où viennent mes douleurs?
D’où vient qu’au nom d’Hilas je sens naître mes pleurs?
Pourquoi suis-je sans lui triste, sombre et rêveuse?  »

Ainsi sans voir Hilas, ainsi parlait Iris.
« Aime, ma douce amie, et tu seras heureuse »,
Lui répond le berger  caché dans un taillis.

Q15 – T14 – banv

L’homme probe aime à voir en tout la Providence: — 1820 (6)

Lazare Carnot Opuscules Poétiques

LA PROVIDENCE

L’homme probe aime à voir en tout la Providence:
Il a besoin de croire; elle allège ses maux:
Il y trouve la paix, le prix de ses travaux;
Ses consolations, la vertu, l’espérance.

Tout s’explique à ses yeux par cette intelligence:
Tout n’a-t-il pas son but? Qui fit les cieux si beaux?
Qui régla les saisons? Qui nourrit les oiseaux?
Qui plaça le remords dans notre conscience?

C’est une vérité toute de sentiment:
On l’affaiblit toujours par le raisonnement:
L’esprit le plus borné comprend l’Etre suprême.

Mais malheur au pervers, qui dépeint l’Eternel
Comme un tyran farouche; et du Dieu qu’il blasphème,
Fait un maître perfide, implacable et cruel.

Q15 – T14 – banv

Vous dont je suis formé, corps, substance éthérée, — 1820 (5)

Lazare Carnot Opuscules Poétiques

SONNET SUR L’HOMME

Vous dont je suis formé, corps, substance éthérée,
A demeurer unis quel lien vous astreint?
Hôtes d’un globe errant sous la voute azurée,
Quel est mon origine et le but qu’elle atteint?

Atôme dans l’espace, instant dans la durée,
Molécule qui sent, conçoit, agit, se plaint;
Fleur qui naît, éblouit, tombe décolorée;
Etincelle qui brille, et se meut, et s’éteint.

Tel est l’homme, et son oeil des sciences profondes
A su percer l’abîme: il balance le mondes
Il dompte l’éléphant, il invente les arts.

Mélange de raison, d’orgueil et de tendresse,
L’héroïsme en son coeur s’allie à la faiblesse:
La nature y versa ses dons et ses écarts.

Q8 – T15 – carn

Le spectacle des cieux m’élève et me console, — 1820 (4)

–  Lazare Carnot Opuscules Poétiques

LE SPECTACLE DE LA NATURE

Le spectacle des cieux m’élève et me console,
Il affranchit mon coeur de ces prestiges vains
Dont le fracas du monde éblouit les humains,
Et dégage mes sens d’une pompe frivole.

Que le reste est petit! quelle sublime école,
Pour l’orgueil insensé qui cause nos chagrins!
Que sont des monumens, ouvrages de nos mains,
Ces titres, cet éclat, dont on fait une idole!

Nous vivons un instant dans une éternité;
Nous occupons un point dans une immensité:
Pourquoi tant de soucis sur ce grain de poussière?

O mortels! contemplons l’ordre majestueux,
Suivant lequel sont mus ces globes de lumière:
C’est là que tout est grand et digne de nos voeux.

Q15 – T14 – banv

Un jour m’a donc ravi ma longue indifférence! — 1820 (3)

Charles J. Hubert in L’almanach des Muses

Sonnet

Un jour m’a donc ravi ma longue indifférence!
O paix! ton calme heureux n’est plus fait pour mon coeur.
Laisse-moi, je gémis, j’aime sans espérance;
Mais je préfère encor ma peine à ton bonheur.

Du moins sa douce image enchante ma pensée;
Du moins l’illusion reste pour me charmer.
En rêve je la vois du même trait blessée
Elle soupire, … Ô dieux! Est-ce un tourment d’aimer?

Non, non, que mon amour soit mon bien, soit ma vie;
Par des revers affreux quand mon âme est flétrie,
Amour, songe charmant, console mes douleurs.

Et toi, que j’aime en vain, pardonne ô Natalie!
Si, ne pouvant bannir ton image chérie,
J’oublie, en t’adorant, ma peine et mes malheurs.

Q 59 -T6

Toi qui n’étais plus homme avant de te connaître! — 1820 (1)

Sourdon de la Coretterie Poésies

Sonnet à un eunuque

Toi qui n’étais plus homme avant de te connaître!
Qui perdis, en naissant, le flambeau de ton être!
Toi pour qui de l’amour les soins et les soupirs
Sont des jeux inconnus, ainsi que ses désirs!

Au sein des voluptés toi qui conduis ton maître,
Et qui, sans t’émouvoir, témoin de ses plaisirs,
Traînes des jours sevrés de tendres souvenirs!
Gardien de la beauté! Son vil tyran peut-être!

Coeur glacé! Monstre humain dont le funeste sort
Des charmes de l’hymen à jamais te sépare!
Dont la vie est, hélas! l’image de la mort!

Quand j’adore Zulime et qu’un père barbare
Défend que mes destins soient enchaînés aux siens,
Que mes sens ne sont-ils aussi froids que les tiens!

Q3 – T23

L’auteur se révèle être ’employé à la Manufacture Royale de Tabac à Marseille’.

Quelle est la région du ciel où la nature — 1819 (6)

Pierre Chas Pétrarque, suivi de Poésies diverses

Traduction libre du sonnet de Pétrarque, ‘in qual parte del ciel..’

Quelle est la région du ciel où la nature
A vu le type humain de l’aimable figure
Dont l’ensemble, ici-bas, est la preuve, à nos yeux,
De tout ce qu’elle peut, dans le séjour des cieux?
Quelle Déesse, errant dans la forêt lointaine,
Ou quelle Nymphe, assise au bord d’une fontaine,
Comme Laure, avec grâce, aux zéphirs amoureux,
Sut jamais déployer l’or pur de ses cheveux?
Voit-on tant de vertus ensemble dans une âme?
Et cependant je meurs, victime de ma flamme.
Il se figure en vain la divine beauté
Celui qui, de l’objet dont je suis enchanté,
Ignorant les attraits, n’a jamais su surprendre
De ses yeux enivrants le mouvement si tendre.
Il ignore comment l’amour blesse et guérit,
Celui qui ne sait pas comment Laure sourit,
Celui qui ne sait pas apprécier encore
La douceur des soupirs et du parler de Laure.

aabbccddeeffgghhii – sns – 18v – rvf

Pierre Chas se satisfait de 18 alexandrins plats pour rendre le n° clix de Pétrarque ( » In qual parte del ciel, in quale ydea »).

Le doux printemps a rajeuni Cybèle; — 1819 (5)

François de La Pommeraye
Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

Le doux printemps a rajeuni Cybèle;
Déjà sa robe est couverte de fleurs;
Déjà Progné se plaint, et Philomèle
Vient raconter la cause de ses pleurs;

Le ciel sourit, la nature est plus belle;
L’amour, de joie enivre tous les coeurs;
Et, répandant une flâme nouvelle,
Vénus convie à ses tendres fureurs.

Moi, cependant, moi seul dans la nature,
Toujours en proie au tourment que j’endure,
Toujours songeant à celle que je perds,

Je ne vois plus les fleurs ni la verdure;
Je n’entends plus le ruisseau qui murmure;
Les plus beaux lieux sont pour moi des déserts.

Q8 – T6 – déca

Le luxe, l’avarice et l’oisive mollesse, — 1819 (4)

François de La Pommeraye Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

A un jeune poète

Le luxe, l’avarice et l’oisive mollesse,
Des vertus sur la terre ont brisé les autels;
L’homme tremble à la voix de l’austère sagesse,
Et n’ose plus prétendre au rang des immortels.

Il a si bien éteint la céleste lumière,
Qui seule, en l’éclairant, peut l’égaler aux dieux,
Qu’il insulte à celui qui de l’humble poussière,
Entreprend de porter son front jusques aux cieux.

Vil esclave de l’or, à la philosophie,
Le peuple va disant: quelle aveugle folie
Te fais tant rechercher un infécond laurier?

Ami, n’en suis pas moins le Sentier de la Gloire;
Celui qui veut atteindre au temple de Mémoire
Dédaigne le vulgaire et le laisse crier.

Q59 – T15

Je vous ai vue, et votre douce image — 1819 (3)

François de La Pommeraye Recueil des poésies de Mr F.D.L.P

A Madame Adèle T.

Je vous ai vue, et votre douce image
S’est emparée aussitôt de mon coeur;
Je vous ai vue, et votre doux langage
M’a fait rêver aussitôt de bonheur!

Rêve charmant, ne sois pas une erreur!
Fils de Vénus, achève ton ouvrage!
Fais partager une si vive ardeur,
Et je te jure un éternel hommage!

Naguère ainsi je présentois mes voeux
Au jeune Dieu qu’on adore à Cythère;
L’enfant malin sourit de ma prière,

Et dit: veux-tu communiquer tes feux;
Sache qu’aimer n’est rien sans l’art de plaire.
Voilà, voilà le secret d’être heureux!

Q11 – T28 – déca